Les titres des métiers sont parfois ambigus. Il est bien étrange de faire porter le mot de conseiller à un professionnel dont le rôle est d’accompagner.
Accompagner : « conduire, mener quelqu’un quelque part »
Conseiller : « Indiquer à quelqu’un ce qu’il doit faire, le diriger, l’orienter. »
Il n’est donc pas étonnant qu’un demandeur d’emploi par exemple vienne voir un conseiller en attendant de sa part un conseil !
Le consultant lui, est un expert qui observe, évalue, analyse, résout, et conseille. C’est sa fonction, mais quelle est sa posture ?
Le coach formateur consultant, est un animal hybride à la fois expert et pédagogue, décideur à certaines heures, et accompagnant le changement.
Posture de l'accompagnant : observation de terrain
J’ai mené des enquêtes métiers auprès de personnel de l’accompagnement dans le secteur de l’Éducation Sociale et Solidaire. Ils disent : "dans notre travail nous devons faire attention à ne pas être des sachants".
Il est important d’être un "non-sachant" car savoir pour l’autre est contreproductif.
L’accompagné pourtant questionne : Qu’en pensez-vous ? Que feriez-vous à ma place ? Celui qui dit, doit être celui qui agit, celui qui choisit, et donc celui qui sait.
L’accompagnant doit donc l’aider à voir et à faire ce que l’accompagné choisit et décide ou non de faire, car lui seul sait « ce qui est bon pour lui ».
Or, de savoir pour l’autre à celui de vouloir pour l’autre, il n’y a qu’un pas.
Je m’interroge alors sur ce que le mot « accompagner » signifie pour un professionnel.
Définir la posture :
La posture est décrite autant comme une attitude morale, qu’un comportement, et fait aussi référence à la position du corps.
La posture corporelle, la posture en pleine conscience, être centrée sont des mots rencontrés dans la pratique du yoga, du Qi gong et aussi dans la pratique de la méditation (celle du développement corporel et spirituel oriental). Un pont se fait avec le coaching : le petit pas de côté, un certain minimalisme, le « ici et maintenant », la pleine conscience et cette posture dite « basse », finalement celle de l’humilité.
En m’intéressant au terme de posture, je prends conscience qu’il y est fait référence pour beaucoup de métier. J’en viens à me demander si tous les professionnels ont une posture.
Il y a posture dès qu’il y a interaction avec des personnes.
Je pense à la posture de l’enseignant, du soignant, du thérapeute, de l’expert. Il y a posture dans les métiers d’accompagnant au sens large, dans les domaines éducatifs, judiciaires, sanitaire et social.
J’évoque ici la richesse de la posture de coach qui apparaît comme une méthode avec ses outils, mais aussi une façon d’écouter, de questionner, de structurer et de mobiliser les savoirs du client.
Est-ce donc un mélange de compétences, savoir-faire et savoir être ?
"Le coach introduit une pratique entre savoir-faire et savoir-être, dans un aller-retour incessant où le processus prend souvent le pas sur le contenu."
Je pense que la posture est ce que nous incarnons, ce que nous intériorisons, et je dirai aussi ce qui se donne à voir. La posture corporelle tout d’abord, celle qui donne le ton de la relation. Assis face à face ou côte à côte, avec ou sans table entre les personnes, ne produisent pas les mêmes effets.
Prendre la posture de coach fait référence à la position basse, à la co-construction, et au cadre, qui sont les trois particularités qui réunit, font en grande partie cette posture professionnelle.
Objectif : donner du pouvoir d'agir
Lors d’un atelier de travail réflexif réunissant des conseillers de différentes institutions est organisé une table ronde sur le thème :
« Quelle posture adopter pour rendre l’usager stratège de son parcours ? »
Marie Hélène Doublet* fait la différence entre la posture d’expert qui est de donner des conseils et une pratique centrée sur l’individu qui est celle de tenir conseil. »
Il me parait tout de suite évident que l’on ne peut pas vouloir pour l’autre. Sans comprendre et faire verbaliser à la personne sa demande, rien n’est possible.
Pourquoi on ne peut pas être le sachant ? Car la posture d’expert ne permet pas la position basse, ni la co-construction de solutions, et ne rend pas le demandeur acteur de son parcours.
En cela la posture de « tenir conseil » me semble assez proche de celle du coach.
Tenir Conseil est un concept développé par Alexandre Lhotellier « Par l’accélération et la variété des demandes, les pratiques « de conseil » se sont multipliées. Mais elles se sont réduites et se limitent encore trop souvent à une volonté de rassurer ou de réconforter, de suggérer ou de prodiguer des conseils. L’empirisme, le recours au bon sens légitimé par l’expérience ou la formalisation intellectuelle constituent alors les « bons conseils "…. L’auteur prend ainsi position pour que l’entretien soit le fruit de conditions offertes à la construction de la personne et à la mobilisation de ses ressources.
J’écoute attentivement les réactions des praticiens de l’accompagnement, jeunes conseillers ou vieux routards des métiers de l’aide à la personne.
Certains sont des disciples de Jean Piaget d’autres citent Carl Rogers.
Ce qu’ils expriment, leur besoin, leur nécessité, je le trouve en grande partie dans la posture du coach. Voilà en partie les réflexions qui émergent de ce tour de table. J’écoute chacun et j’entends coaching. En voici des échos :
« Tout d’abord il faut donner l’objectif de l’entretien afin de ne pas être dans un échange parfois même un peu informel » - C’est la référence au cadre. « Il faut pouvoir se questionner sur sa pratique, faire preuve d’humilité, être dans une guidance non directive » - Nous voici dans l’écoute et le respect de l’espace de l’autre. Carl Rogers** parle d’authenticité, d’écoute sans arrière-pensée et sans jugement. « Nous ne sommes ni psychologue, ni gourou » - C’est être à sa juste place et donc ne pas savoir pour l’autre. « Écouter l’autre c’est comprendre le monde dans lequel vit l’autre » - Écouter avec empathie, permettre l’alliance, se centrer sur la relation. « Le conseiller maîtrise la méthode, l’usager maîtrise le contenu » - Là aussi il s’agit de tenir le cadre. « Nous manquons de recul sur nos pratiques » - Il y a un besoin d’échanges entre praticiens de l’accompagnement. Un échange entre pairs à minima, une supervision idéale pour tous les métiers de l’accompagnement.
Acteur de son parcours professionnel, acteur de son changement, acteur de sa formation…. Être accompagné pour changer de métier ou évoluer dans ses fonctions, permet une prise de recul et une aide à la réflexion. C’est aussi un soutien pour s’approprier son devenir professionnel, ce projet étant sous-tendu par les questions d’employabilité, de compétences, d’envies, et de rêves mêlés. En cela cette proposition d’accompagnement est utile.
Pour l’accompagnant tout l’art consiste à écouter, faire émerger, en s’affranchissant de l’avis et du conseil, qui peuvent devenir les polluants du projet de la personne, alors même que cette dernière semble avoir cette demande. Passez de celui qui sait et qui conseille à celui qui écoute et questionne rejoint alors les fondamentaux de la posture du coach et amène la personne accompagnée à son propre besoin de changement et à sa réelle autonomie pour la mise en œuvre de son projet.
Source :
* Travail de Marie Helene Doublet, Chercheur en Psychologie de l’Orientation INETOP (La posture professionnelle un choix identitaire nécessaire) 29.6.11 ** L'approche centrée sur la personne CR Rogers, HG Richon, H Kirschenbaum… - 2001
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